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Sur l’« Anatomie d’une traduction » (de La Loi De Ma Bouche)

Depuis qu’Elon Musk a transformé l’oiseau bleu en un vautour noir, je passe beaucoup moins de temps sur X. Mais il est de ces comptes que je suis toujours, parce qu’en dépit du lancement officiel de la grande déchéance [sociale], leur contenu reste cohérent, pertinent, ou à la limite, instructif.

L’autre jour, j’ai retweeté @LaLoiDeMaBouche sur la décision de justice du Kenya relativement au déploiement de la force multinationale. Je me suis promis de revenir sur la question. Mais ce sont le billet « Anatomie d’une traduction » et les mots « pour faire sens » accompagnant le texte de la publication, qui m’ont proposé de réagir.

Ma surprise a été agréable devant la fluidité de la lecture, la mobilisation des analogies, et certainement l’organisation des idées. Labasse en aurait trouvé l’exemple presque parfait pour illustrer sa typologie (2003). Venant de @LaLoiDeMaBouche, rien d’étonnant. C’est le quotidien d’un sacerdoce. Mais mon ultime préoccupation vise davantage ici à interpeller sur l’intérêt de ce « document » pour la société de l’information. Ou au mieux, ce qu’il en reste.

Quelques considérations théoriques

Dans sa démarche, @LaLoiDeMaBouche a surtout insisté sur les limites de la traduction. Même si l’intérêt de son billet va bien au-delà. « Si papa m ap ranje yon kamyon, il ne le range pas, il le répare. », lisons-nous. Cet exemple ne me semble pas être choisi uniquement pour illustrer la théorie de la traduction de Ferodov (le correspondant existe [ranje : réparer] ; la sémantique est complète [ranje : arranger – proximité sémantique ou altération phonétique] ; polysémitisme [le sens ainsi construit du mot ranje ne semble vouloir dire autre chose qui ne soit lié à l’équivalent français « réparer, arranger : remettre en ordre » , outre la loupe “mystique”]). Il se prête donc bien à l’exercice qui consiste à nous interpeller sur les enjeux de la transmission du sens des mots.

Mais le texte nous transporte aussi dans l’univers allégorique du sens : « Les faux amis sont frekan, voir même pèmèt, et prompts à nous mettre dans des zen. » (Voir le premier article pour plus de contexte). On peut s’autoriser à attribuer « faux amis » à ces traductions erronées de “High Court” rapportées par tous les médias cités, tout en cheminant avec l’idée conjoncturelle de la démarche même du Kenya envers Haïti (…). Et avec elle bien sûr, la communauté internationale.

A ce stade, il est clair que l’initiative d’informer dans l’espace public implique de maitriser, sinon de faire appel à plusieurs domaines des sciences du langage. Ici, nous voyons à l’œuvre la pragmatique, la sémantique, et la sociolinguistique. Évidement, cet enjeu s’est formé autour de la communication sociale et du journalisme, puisqu’il a accédé à la sphère publique par les bons offices des médias, traditionnels et en ligne.

« Pour faire sens »

Je reviens ici à la charge, interpellé par le mot « sens », pour essayer de “faire un kilomètre de plus”, comme dirait Og Mandino. Au delà des considérations sémantiques, – qui ont le mérite de nous souligner ces problèmes – ce débat m’apparait avant tout, comme un procès sémiotique. Un questionnement sur la problématique de la signification.

Il faut souligner que l’occurrence répétitive de ces irrégularités (que nous qualifierons de manifestations) a conduit à une construction du modèle du discours social. Un indicateur spécifique qui permet de nous identifier au travers de ces reproductions. Des modèles narratifs que l’exercice du discours permet de solliciter, et qui s’insèrent profondément dans notre mémoire collective. Telle est notre méthode de construction du sens.

Ces dernières, dès qu’elles sont produites, peuvent s’affranchir de leur support de génération, puisqu’elles auront atteint l’espace de la signification, à l’exemple de la chanson « PIMP » de “50 Cent” et à la misogynie que la version instrumentale seule suffit à faire référence (LLDMB).

Alors que nous sommes en pleine révolution numérique, le développement de l’intelligence artificielle en particulier m’inquiète. Nous sommes en train d’alimenter cette bête avec un récit que nous écrivons avec des discours de haine, de la désinformation, de l’intolérance, de la violence, et de la médiocrité. Parce que nous avons fait sauter les balises, la déchéance nous conduit au chaos.

Cet exemple illustre ce qu’il se passe lorsque la rigueur laisse la place à la légèreté. Lorsque nous anéantissons les garde-fous de l’espace public. Ce lieu privilégié de génération du sens est l’apanage des contenus que nous produisons. Les élites (toutes catégories confondues) ont laissé faire. Nous le constatons seulement aujourd’hui, parce que la déliquescence a finalement atteint le moulin du passage de l’état de contenu à celui de l’information : les médias.

Il me plaira certainement de regarder ce film de Justine Triet.